Patterson Webster partage ses réflexions sur la façon de créer un jardin qui reflète les idées et les intérêts du jardinier.
Je suis intriguée par la façon dont la mémoire et l’expérience personnelle façonnent notre vision du monde. J’ai grandi en Virginie et j’ai passé des étés dans la ferme de mes grands-parents dans les Blue Ridge Mountains de l’État. Les conversations à table étaient centrées autour d’histoires concernant ceux qui habitaient le long de la route, sur les endroits où différentes plantes poussaient bien, sur la façon dont certaines choses changeaient et d’autres restaient constantes.
En arrivant dans les Cantons-de-l’Est du Québec, j’ai découvert un paysage similaire tant dans ses caractéristiques physiques que dans son état d’esprit : des montagnes douces, un intérêt pour le passé et une conscience dans la façon dont nous marquons le territoire sur lequel nous vivons. J’ai appris à aimer les éléments familiers des Cantons-de-l’Est , les champs, les étangs, les bois et les bâtiments – et j’utilise ces éléments dans mon art et dans le jardin lui-même pour explorer des idées sur le temps, la mémoire et notre relation à la terre.
J’ai commencé à travailler sur le jardin de Glen Villa il y a plus de vingt ans. Au fil du temps, ce que j’ai découvert, c’est que les jardins ne concernent pas seulement les plantes et leur combinaison de manière satisfaisante. Bien que les aspects pratiques soient importants (choisir des plantes qui prospèrent, les protéger des cerfs et autres prédateurs, fournir les conditions qui les mettent en valeur), il ne suffit pas de les faire correctement.
Pour être vraiment mémorable, un jardin doit naître d’une idée. Cela doit signifier quelque chose.
L’idée qui sous-tend mon approche du jardin de Glen Villa et des installations artistiques que j’ai créées est la relation entre le passé au présent et, par extension, l’impact de nos actions sur l’avenir de la terre. Tous ceux qui ont vécu sur le site y ont laissé une empreinte, littéralement ou imaginativement. Pour moi, dessiner ces empreintes et les concrétiser ajoute de la richesse au paysage et transforme le jardin d’un agencement basé sur l’esthétique en une réalité actuelle profondément ressentie.
Il y a environ dix ans, je suis allée au-delà du jardin et dans les champs et la forêt environnants, pour explorer plus profondément les événements naturels, historiques et biographiques qui façonnent le puissant sentiment d’appartenance de Glen Villa. Le résultat est Au fil du temps, un parcours de 4 km qui explore des idées sur l’histoire, la mémoire et notre relation à la terre. C’est un voyage contemplatif qui se déroule progressivement, un récit qui change à chaque répétition. Les sculptures et les installations artistiques agissent comme des dispositifs de focalisation, attirant l’attention du spectateur sur des sites et des situations, mais en fin, le spectateur voit et interprète comme il le souhaite.
Dans le jardin et dans Au fil du temps, j’utilise des matériaux naturels comme la roche et le bois, les combinant parfois avec de l’acier, de l’étain, du néon et des matériaux fabriqués pour renforcer à la fois le sens du lieu et le lien entre la mémoire et la culture. J’utilise également des fleurs, de l’herbe et d’autres matériaux vivants pour créer de l’art éphémère. Que ce soit dans l’art de Glen Villa ou dans l’art commandé pour d’autres lieux, j’emploie délibérément l’histoire : non pas pour commémorer le passé mais pour établir un sentiment de continuité qui ajoute du sens au présent.